Glamour, sexe & nihilisme: les chambres impériales de Bret Easton Ellis
On l’attendait depuis longtemps. Imperial Bedrooms est le dernier roman en date de Bret Easton Ellis, dont la précédente parution datait de 2005 (Lunar Park – qui, je pense, est son meilleur livre à ce jour). On attendait Imperial Bedrooms pour plusieurs raisons; tout d’abord, parce qu’un livre d’Ellis fait généralement parler de lui, c’est un évènement littéraire (on ne peut remettre en cause la place majeure qu’Ellis occupe dans le panthéon littéraire américain et international), et également parce que Imperial Bedrooms est la suite de son tout premier livre (-culte), Less than Zero (Moins que zéro, 1985). Que sont devenus les jeunes adultes décadents et drogués (« cock-snorting zombies » Lunar Park) vingt-cinq ans après l’action du premier récit? Je vous le donne en mille: des quadragénaires décadents et drogués. Après tout, on est dans un roman d’Ellis – glamour, sexe et nihilisme y font généralement bon ménage (à trois).
Ellis a plusieurs idées narratives, l’une qu’il abandonne, l’autre qu’il continue. (Le lecteur avisé s’apercevra ici que j’aurais préféré qu’Ellis fasse un choix différent, mais c’est ainsi.)
Imperial Bedrooms est le récit de la damnation de Clay Easton qui s’en tire assez bien à la fin de Less Than Zero, partant pour Camden, petite université spécialisée dans les arts, et accessoirement laissant derrière lui son ex-copine, Blair, et Julian, son ami qui s’est mis à se prostituer afin de financer son addiction à la cocaïne. Ellis a la très bonne idée de faire commencer le roman en jouant sur le lien entre Imperial Bedrooms et Less than Zero: Clay, le narrateur, nous avoue tout: l’auteur qui a écrit Less than Zero s’est servi de faits réels mais les a déformés par jalousie. C’était une grande idée narrative, en parfaite continuité avec le jeu métalittéraire initité dans Lunar Park. Malheureusement, Ellis laisse tomber l’idée une fois sur le papier dans les premières pages et passe à autre chose.
Clay, aujourd’hui scénariste et producteur pour Hollywood revient à Los Angeles et revoit ses (anciens) amis, et plonge dans un monde crépusculaire, emplis d’ombres (Rip est devenu l’ombre de lui-même, défiguré par la chirurgie plastique) et où la seule lumière blanche qui y perdure rappelle soit la lame de l’arme blanche, soit la poudre d’ange… La structure du livre va suivre plus ou moins fidèlement la structure de Less Than Zero, y compris dans les moments ‘chocs’ qui avaient apporté une odeur de soufre au premier roman (les snuff movies: pp. 143,4; 164). Ellis veut nous faire prendre conscience de l’Eternel Retour du même dans le fait que les mêmes évènements (ou presque) continuent à avoir lieu et que les personnages sont enfermés pour toujours dans un Enfer doré, quelque part, là-haut, dans les hauteurs de la Cité des Anges.
Clay, de retour à L.A. pour le casting de son dernier film, The Listeners, rencontre une jeune femme, Rain, qui souhaite être actrice (sans avoir aucun talent). En échange de faveurs sexuelles, Clay lui promet de lui trouver un rôle (mineur) dans son prochain film, sans savoir qu’il pénètre dans un engrenage meurtrier. Une Jeep bleue le suit dans ses déplacements, sa chambre d’hôtel est ‘visitée’ pendant son absence, plus rien ni personne ne semble digne de confiance – Clay initie son dernier voyage, celui qui le mènera aux confins de l’horreur et de la nuit la plus obscure qui soit: celle de l’âme.
Le narrateur n’est pas un personnage très aimable, l’identification du lecteur est difficile, certains passages sont très violents (« graphic » comme diraient les américains), pourtant le roman est un véritable page-turner. Passage obligé pour les Ellisophiles, Imperial Bedrooms peut être lu tout seul, mais il est préférable de connaître Less Than Zero afin de comprendre les références internes aux deux oeuvres.
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