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Chroniques amoureuses d’un vieux dégueulasse: Women de Charles Bukowski.

décembre 13, 2009 5 commentaires

Voici un extrait de Women de Charles Bukowski, que je viens de terminer. Il n’y a pas de véritable récit dans ce livre, qui raconte la vie du poète Hank Chinaski (double fictionnel de Bukowski) qui se résume à boire, baiser, boire, baiser, boire, boire, ne plus arriver à baiser, arrêter (pour un soir) de boire, re-baiser, boire, boire, baiser, etc. On avouera tout de suite que le procédé est légèrement répétitif (!), mais on se laisse prendre par l’écriture du ‘dirty old man’, comme il se définissait lui-même. La véritable histoire est contée en filigrane, le long des récits in extenso des cuites et parties de jambes en l’air de Chinaski: c’est le récit de la montée vers la célébrité du poète Chinaski, célébrité tardive car elle commence alors qu’il a déjà cinquante ans bien sonnés, mais qui lui apporte de l’argent (pour acheter de l’alcool) et surtout des femmes, qui viennent à lui comme par enchantement. C’est aussi l’histoire d’une obsession destructrice qui est contée dans ces pages, car Chinaski sabote finalement toutes ses relations à cause de son appétit féminin inextinguible. Seule la fin laisse entrevoir un changement possible, lorsque dans le dernier paragraphe Hank récupère un vieux matou des rues, et lui donne du thon et de l’eau. Ce vieux matou, c’est un double de Chinaski lui-même, et le changement de l’alcool à l’eau, de l’eau-de-vie à l’eau de la vie en somme, amorce le processus de dressage dont même Chinaski avait dans le fond besoin…

« I was sentimental about many things: a woman’s shoes under the bed; one hairpin left behind on the dresser; the way they said, « I’m going to pee… »; hair ribbons; walking down the boulevard with them at 1:30 in the afternoon, just two people walking together; the long nights of drinking and smoking, talking; the arguments; thinking of suicide; eating together and feeling good; the jokes, the laughter out of nowhere; feeling miracles in the air; being in a parked car together; comparing past loves at 3 AM; being told you snore, hearing her snore; mothers, daughters, sons, cats, dogs; sometimes death and sometimes divorce, but always carrying on, always seeing it through; reading a newspaper alone in a sandwich joint and feeling nausea because she’s now married to a dentist with an IQ of 95; racetracks, parks, park picnics; even jails; her dull friends, your dull friends; your drinking, her dancing; your flirting, her flirting; her pills, your fucking on the side, and her doing the same; sleeping together… »

Women, p.227

Charles Bukowski, Women, Ecco, 9.94.

Femmes, alcool, courses et… triage de lettres. Le (non-) sens de la vie selon Bukowski.

décembre 6, 2009 2 commentaires

« It’s not a new story about how women descend upon a man. »

Charles Bukowski, Post Office, p.143

Post Office est très certainement le roman le plus connu de l’écrivain américain Charles Bukowski, roman qui l’a propulsé à un niveau de renommé international, et qui en a fait de lui l’un des écrivains les plus copiés et (donc) influents des quarante dernières années. Le roman conte la descente aux enfers personnels de Hank Chinaski, double littéraire de l’auteur, qui passe son temps à boire, baiser et jouer aux courses, et dont la faute (une quasi hamartia, puisque Chinaski avoue dès les premières pages s’être engagé pour rencontrer des femmes en leur donnant leur courrier et ainsi get into their pants!) fut de s’engager (par deux fois) dans les services de la Poste. Tiraillé entre les feux croisés de chefs de service tyranniques, de femmes plus ou moins fatales, et d’alcool toujours plus fort, Chinaski tombe progressivement dans l’engrenage d’une administration devenue folle, et qui détruit les hommes qui travaillent pour elle, les soumettant à des conditions de travail impossibles à tenir.

Bukowski réussit à transformer sa propre expérience dans les services de la Poste californienne en métaphore quasi-kafkaïenne de la structure aux règles d’airain qui brise un homme. Mais Chinaski, à la différence des personnages de Kafka, préfère quand même l’alcool et les femmes à la torture mentale et à la dépression, ce qui donne un ton très humoristique à certains passages du livre (la citation de Uncut sur la couverture: « One of the funniest books ever written » est tout de même exagérée!).

Bref, Post Office est à lire en tant qu’introduction à l’oeuvre de Bukowski, auteur influent s’il en est, puisque le dernier en date de ses avatars est le héros de la série Californication, Hank Moody (référence à Hank Chinaski), sorte de Bukowski light, dont la chaîne Showtime a édité le best-seller fictionnel God Hates Us All, qui est une déception en soi, car si dans la série ce bouquin est un hit littéraire qui couronne l’écrivain de talent Hank Moody, le véritable livre est assez pauvre, en style comme en humour. Il est intéressant de voir que c’est la première fois qu’on édite le livre fictionnel d’un auteur fictionnel, mais ça s’arrête là.  A éviter donc.

Hank Moody, God Hates Us All, Showtime, 10,66 euros.