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Une leçon de littérature: L’urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint

mars 26, 2012 Laisser un commentaire

C’est un très beau livre que nous offre Jean-Philippe Toussaint avec L’urgence et la patience. Le titre, tout d’abord, quasi oxymorique, fidèle reflet du style tout en retenue de Toussaint. Il en faut de la maîtrise pour arriver à écrire simplement! Il est des évidences que l’on remarque progressivement, à mesure que nous atteignons une certaine maturité: je me suis rendu compte que le style d’écriture que j’aimais était justement un style à la Toussaint, un style fluide, marqué parfois, même sans qu’on s’en rende compte à la première lecture, de trouvailles stylistiques. « Un livre doit apparaître comme une évidence au lecteur, et non comme quelque chose de prémédité ou de construit », nous dit Toussaint (p.26). Il ne faut pas céder aux sirènes du byzantisme:

Il y a parfois une contradiction entre le désir que j’ai d’écrire des phrases qui peuvent durer, qui sont proches de l’aphorisme et la nécessité que de telles phrases n’arrêtent pas la lecture, ne la freinent même pas. Il faut que ces phrases se fondent dans le cours du roman, sans nuire à sa fluidité, qu’elles s’enfouissent dans le texte, presque camouflées, de façon à ce qu’elles brillent sans trop attirer l’attention. (p.25)

Toussaint nous livre en fait une vraie leçon de littérature, mais pas celle d’un théoricien obscur, celle d’un praticien de la chose écrite. Les quelques articles réunis dans ce volume seront d’une aide précieuse pour quiconque a l’ambition d’écrire, car Toussaint nous donne ses ‘ficelles’. Il nous raconte également certaines de ses rencontres, notamment avec l’éditeur Jérôme Lindon et bien sûr Samuel Beckett. Enfin, n’oublions pas de préciser que ce petit livre est aussi très drôle – alors, pourquoi s’en priver?

Jean-Philippe Toussaint, L'urgence et la patience, Les éditions de Minuit, 11€

Glo-Go: Imperial Bedrooms de Bret Easton Ellis

Bret Easton Ellis

Le prochain roman de Bret Easton Ellis, Imperial Bedrooms, sort le 15 juin aux Etats-Unis, et il est grand temps de créer un buzz sur la Toile afin de s’assurer des ventes de ce roman, déjà tiré à plus de 100 000 exemplaires par Knopf: c’est dire que cette sortie est considérée comme un évènement outre-atlantique (et soyons honnête, même ici!).

L’Empire dont il est question dans le roman est d’une certaine façon l’empire de l’édition américain. Jesse Katz, dans une interview avec Ellis pour LAmag.com, nous le dit:

« My point, I think, was that if the empire has, indeed, imploded—if the machinery that once discovered and promoted and sustained authors has collapsed in the shift to a digital culture—all the more reason for Bret to be pushing Imperial Bedrooms, to be ensuring that his brand, his identity as a storyteller, survives. Every writer today is having to figure that out.

“Correct,” [B.E. Ellis] says. »

Si cet Empire qui auparavant assurait la promotion de ses poulains-écrivains a implosé, la promotion doit se faire (il faut vendre l’objet-livre) par d’autres moyens, et utiliser cette « culture digitale », équivalent virtuel des Barbares qui ont mis l’Empire à genoux, à ses propres fins. Tout n’est pas simplement affaire de survie, comme le laisse entendre Katz. La Toile est  le lieu par excellence du buzz, de la rumeur-éclair, de la dés/information mondialisée, bref du Glo-go: global gossip. Ellis avait déjà utilisé le Glo-go lors de la promotion de son précédent livre, Lunar Park (qui est, je pense, le meilleur de ses livres à ce jour): on pouvait trouver sur le Net le site de l’ex-femme d’Ellis, Jayne Dennis, et y voir des photos d’elle avec Ellis, une liste des films dans lesquels elle a tourné, etc. Le seul problème, c’est que tout était faux: Jayne Dennis n’a jamais existé sauf dans le roman d’Ellis. Extraordinaire manipulation du réel, le site jouait avec le flou réel/ fiction du roman lui-même, et permettait de prolonger après la lecture du livre l’univers que l’auteur avait créé.

Le Glo-go est utilisé à pleine puissance pour Imperial Bedrooms: le site LA Magazine nous fournit en effet une interview de Bret Easton Ellis, mais aussi une carte des endroits chroniqués dans le roman, et surtout une interview exclusive du personnage principal,

Clay Easton, selon LAMag.com

Clay Easton, narrateur de Imperial Bedrooms mais aussi de Less Than Zero, le premier roman (culte) d’Ellis. Clay Easton nous parle ainsi de ses endroits préférés dans la Ville des Anges, de façon très décalée et humoristique: « Cinerama Dome: the honeycomb dome ceiling can be more interesting than most movies; W Hotels Los Angeles, Westwood: Sex. It’s where I made a lot of my “casting decisions” », …etc. L’effacement de la différence réel/ imaginaire, ou plutôt l’invasion de l’imaginaire dans la réalité est depuis Lunar Park un thème majeur de Bret Easton Ellis, et il prend une autre dimension grâce à l’avènement des ‘Barbares’ digitaux – l’Empire n’a qu’à bien se tenir, Bret strikes back: malgré l’effondrement de l’industrie classique, Ellis continue à sortir son épingle du jeu, et diversifie ses talents: il vient en effet de terminer le scénario de The Golden Suicides, film qui sera réalisé par Gus Van Sant, et portera sur le suicide commun du couple d’artistes Theresa Duncan et Jeremy Blake. Où s’arrêtera-t-il?

Bret Easton Ellis, Imperial Bedrooms, disponible le 15 juin 2010

De l’art de la couverture en édition littéraire

mars 16, 2009 Laisser un commentaire

Petit sondage pour les rares qui s’aventurent sur ces terres virtuelles:

Si vous deviez choisir entre ces deux couvertures du même livre, laquelle serait votre élue?

Couverture n°1

Couverture n°2

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Triste rentrée (littéraire)

août 12, 2008 7 commentaires

J’ai reçu la newsletter d’un grand site commercial sur internet m’avertissant de la parution prochaine des « grands livres de la rentrée littéraires ». Intrigué, je n’effaçais pas tout de suite le courriel (1): bien grand fut mon tort. Les grands livres de cette rentrée littéraire étaient ainsi le dernier Amélie Nothomb, intitulé Le fait du Prince, le nouveau Christine Angot, Le marché des amants, ouvrage dans lequel l’auteur raconte son histoire d’amour avec Doc Gynéco (sic), …etc. Il ne manquait plus qu’une publicité pour le prochain Millet (Catherine), Jour de souffrance, dont le titre est certainement une référence à la douleur qu’auront ses lecteurs à lire sa pénible prose le jour de sa sortie. Pas besoin de dire de quoi parle ce bouquin: c’est toujours un compte-rendu froid et clinique de la vie sexuelle de Mme M. – apparemment vue cette fois depuis le prisme déformant de la jalousie. Que du neuf.

Un nombre absurde et enflé de livres pour septembre

Un nombre absurde et enflé de livres pour septembre

Il est de bon ton de dénigrer la rentrée littéraire qui a lieu chaque année en septembre. Le nombre de livres qui sortent est ridicule, enflé, absurde (environ 700 ouvrages). C’est exactement pour ces raisons que j’aime la rentrée littéraire. C’est une sorte de rituel du monde littéraire français, et le fait que cela n’arrive dans nul autre pays rajoute pour moi une sorte de charme à cette stupide tradition.

Le problème est autre part; peut-être de la qualité des ‘auteurs’ que les grandes maisons d’édition nous proposent (Angot, Moix, etc.)? Celle des livres qui se retrouvent dès le premier jour de la rentrée en tête de gondole des centres commerciaux, librairies et autres FNAC? De l’insipidité absolue de ce qu’on nous vend comme étant de la  littérature aujourd’hui?

J’imagine que le pire dans tout ça est qu’il existe de grands auteurs.

J’ai peur qu’ils ne soient jamais publiés.

1- Soi-disant équivalent français d’ « e-mail », mais que personne (ou presque) n’utilise. Pas aussi ridicule que « pourriel » (i.e. spam).