Une leçon de littérature: L’urgence et la patience de Jean-Philippe Toussaint
C’est un très beau livre que nous offre Jean-Philippe Toussaint avec L’urgence et la patience. Le titre, tout d’abord, quasi oxymorique, fidèle reflet du style tout en retenue de Toussaint. Il en faut de la maîtrise pour arriver à écrire simplement! Il est des évidences que l’on remarque progressivement, à mesure que nous atteignons une certaine maturité: je me suis rendu compte que le style d’écriture que j’aimais était justement un style à la Toussaint, un style fluide, marqué parfois, même sans qu’on s’en rende compte à la première lecture, de trouvailles stylistiques. « Un livre doit apparaître comme une évidence au lecteur, et non comme quelque chose de prémédité ou de construit », nous dit Toussaint (p.26). Il ne faut pas céder aux sirènes du byzantisme:
Il y a parfois une contradiction entre le désir que j’ai d’écrire des phrases qui peuvent durer, qui sont proches de l’aphorisme et la nécessité que de telles phrases n’arrêtent pas la lecture, ne la freinent même pas. Il faut que ces phrases se fondent dans le cours du roman, sans nuire à sa fluidité, qu’elles s’enfouissent dans le texte, presque camouflées, de façon à ce qu’elles brillent sans trop attirer l’attention. (p.25)
Toussaint nous livre en fait une vraie leçon de littérature, mais pas celle d’un théoricien obscur, celle d’un praticien de la chose écrite. Les quelques articles réunis dans ce volume seront d’une aide précieuse pour quiconque a l’ambition d’écrire, car Toussaint nous donne ses ‘ficelles’. Il nous raconte également certaines de ses rencontres, notamment avec l’éditeur Jérôme Lindon et bien sûr Samuel Beckett. Enfin, n’oublions pas de préciser que ce petit livre est aussi très drôle – alors, pourquoi s’en priver?
De l’art de la couverture en édition littéraire
Petit sondage pour les rares qui s’aventurent sur ces terres virtuelles:
Si vous deviez choisir entre ces deux couvertures du même livre, laquelle serait votre élue?
Couverture n°1
Couverture n°2
Triste rentrée (littéraire)
J’ai reçu la newsletter d’un grand site commercial sur internet m’avertissant de la parution prochaine des « grands livres de la rentrée littéraires ». Intrigué, je n’effaçais pas tout de suite le courriel (1): bien grand fut mon tort. Les grands livres de cette rentrée littéraire étaient ainsi le dernier Amélie Nothomb, intitulé Le fait du Prince, le nouveau Christine Angot, Le marché des amants, ouvrage dans lequel l’auteur raconte son histoire d’amour avec Doc Gynéco (sic), …etc. Il ne manquait plus qu’une publicité pour le prochain Millet (Catherine), Jour de souffrance, dont le titre est certainement une référence à la douleur qu’auront ses lecteurs à lire sa pénible prose le jour de sa sortie. Pas besoin de dire de quoi parle ce bouquin: c’est toujours un compte-rendu froid et clinique de la vie sexuelle de Mme M. – apparemment vue cette fois depuis le prisme déformant de la jalousie. Que du neuf.
Il est de bon ton de dénigrer la rentrée littéraire qui a lieu chaque année en septembre. Le nombre de livres qui sortent est ridicule, enflé, absurde (environ 700 ouvrages). C’est exactement pour ces raisons que j’aime la rentrée littéraire. C’est une sorte de rituel du monde littéraire français, et le fait que cela n’arrive dans nul autre pays rajoute pour moi une sorte de charme à cette stupide tradition.
Le problème est autre part; peut-être de la qualité des ‘auteurs’ que les grandes maisons d’édition nous proposent (Angot, Moix, etc.)? Celle des livres qui se retrouvent dès le premier jour de la rentrée en tête de gondole des centres commerciaux, librairies et autres FNAC? De l’insipidité absolue de ce qu’on nous vend comme étant de la littérature aujourd’hui?
J’imagine que le pire dans tout ça est qu’il existe de grands auteurs.
J’ai peur qu’ils ne soient jamais publiés.
1- Soi-disant équivalent français d’ « e-mail », mais que personne (ou presque) n’utilise. Pas aussi ridicule que « pourriel » (i.e. spam).
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