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Une parodie de Houellebecq

juillet 1, 2010 2 commentaires

Michel Houellebecq (©Mariusz Kubik)

Le (très bon) site d’information culturelle Fluctuat.net a lancé, il y a deux semaines, un concours de pastiches d’incipits de Houellebecq, en prémisse à la sortie de son nouveau roman, La carte et le territoire. D’après ce que l’on sait pour l’instant, Houellebecq mettra en scène dans son nouveau livre une foule de personnages, dont un artiste contemporain exposant des cartes Michelin, et l’auteur Houellebecq lui-même. Comme j’ai eu l’heureux plaisir de voir qu’un texte parodique que je leur ai envoyé a été publié sur leur site, j’ai décidé de reproduire ici mon incipit de La carte et le territoire.

« Dégage de là gros dégueulasse. »

Jamais je n’aurais cru que de tels mots pussent sortir d’une si jolie bouche, même si cette bouche, aux lèvres fines et roses, aurait pu figurer dans le Larousse en tant qu’illustration de l’expression bouche à pipe. La jeune femme à qui appartenait cette jolie bouche, une rousse un peu pétasse, se détourna de moi en faisant une moue dégoutée et alla poser son cul moulé dans cette robe noire à paillette qui attirait tous les regards des mâles dominants et dominés de la soirée parigote ultra-hype à laquelle j’avais été invité par erreur. Elle alla s’asseoir à côté de l’écrivain dont elle était l’attachée de presse, un vieux grisâtre fumotant une cigarette molle, qui, selon Simon, été passé près du Prix Goncroûte pour son précédent livre, et qui revenait avec sa nouvelle ‘Œuvre’ intitulée La carte et le territoire. Il se nommait Houellebock, je crois bien. Enfin, je suis pas sûr. Après tout, je n’étais ici que par erreur.

Normalement, je n’aurais jamais dû être ici, dans cet appartement grand luxe près des Grands Boulevards. Je n’aurais jamais dû avoir été capable d’entrer dans ce lieu de débauche dorée, cela aurait dû rester terra incognita pour moi. Je crois que la griserie apportée par le fait que moi, Michel Welkeb, ingénieur agronome, respire le même air que ces gens beaux, sûrs d’eux, sexuellement épanouis, m’a fait perdre la tête. Le champagne à volonté n’y était pas pour rien non plus. Tout ça pour dire que j’ai essayé de coincer la rousse (« salut, ça te dit un tour de manège ? »), et qu’encore une fois, je vais finir à me polir le chinois sur un site porno allemand où de grands blonds avec des queues de trente centimètres enviandent des asiatiques gémissantes. Vive la mondialisation.

Satire chronique: La troisième chronique du règne de Nicolas 1er, de Patrick Rambaud

janvier 14, 2010 Laisser un commentaire

Rambaud nous aura habitué à mieux. Bien mieux – La troisième chronique du règne de Nicolas 1er est, comme son nom l’indique, le troisième volume de cette longue satire anti-sarkoziste (antinicoliste, dirait l’auteur) narre les évènements politiques vécus en France ces derniers mois: le fichier Edwige, la Crise, l’élection d’Obama, etc. etc., le tout raconté comme dans les deux premières chroniques dans le style de Saint-Simon ou du cardinal de Retz parlant de Louis XIV. Rambaud suit ici l’illustre exemple d’André Ribaud et de sa chronique « La Cour », qui racontait de la même façon le « règne » du « roi » Charles de Gaulle…

La nouveauté intrigue et passionne; la répétition, elle, endort et ennuie. Si les deux premiers tomes des chroniques étaient raffraîchissants, on peut arguer du fait que ce tome-ci manque le mordant des deux premiers, tout d’abord parce qu’on connaît la technique de l’auteur (nous raconter des évènements de l’actualité en les travestissant  de costumes du XVIème siècle, parodier les noms des différents ministres (la baronne d’Ati, le comte d’Orsay – je vous laisse deviner, le chevalier Guaino, le chevalier Dray), donner de toujours aussi hilarants surnoms à ce Nicolas 1er si détesté: « Notre Gigotant Monarque », « Notre Bondissant Leader », « Notre Chatoyant Souverain », etc.) et parce qu’on sent que l’auteur lui-même se lasse de l’exercice qu’il s’est lui-même infligé: écrire une chronique par année de « règne ». Et si Sarkozy est réélu en 2012, y a-t-il pensé, Rambaud? Il n’en a pas fini avant longtemps!

Enfin, on a quand même aimé quelques fulgurances dans le livre, notamment le théorème de Picabia (p.58), assez hilarant, le portrait du Chevalier Guaino en imbécile complet, qui pioche toutes ses références dans les albums de Tintin qu’il promène avec lui partout,  le portrait du Chevalier Le Febvre, qui vaut son pesant de cacahouètes, et bien évidemment – et avant toutes autres choses – le style de l’auteur, tout en grâce, finesse et acidité.

Exemple (p.14):

« Le Prince était à table avec des ministres et des élus quand le maître d’hôtel lui demanda:

– Que voudra Sa Majesté pour le déjeuner?

– Un steak.

– Et pour les légumes, Sire?

Le Prince passa lentement les yeux sur toute la compagnie:

– Des steaks aussi. »

Les inconditionnels de Rambaud se seront déjà jetés sur ce volume, pour les autres je conseillerais de lire tout d’abord les deux premiers tomes. Celui-ci n’est pas essentiel – surtout qu’il y en aura d’autres…

La troisième chronique du règne de Nicolas 1er, Patrick Rambaud, Grasset, 14 euros.